mercredi 25 mai 2011

Grant Morrison - (R)évolutions. Entretien avec Yann Graf

Bonjour Yann et merci à toi de combler ma curiosité en répondant à mes questions. Je précise qu'au moment où nous discutons je n'ai pas encore lu ton livre et qu'il est probable que certaines de mes questions trouveront leurs réponses dans ton ouvrage. Dans ce cas tu as le droit de me répondre : "lis le bouquin connard". Pour les personnes qui ne te connaitrait pas tu as 33 ans, tu as une formation d'archiviste, tu as été libraire, tu as collaboré à la revue Versus et tu traines tes guêtres depuis des années sur la toile où tu nous conseille notamment en lecture super-héroïque. Récemment tu as mis en ligne sur le site superpouvoir.com une analyse foisonnante de Batman de Grant Morisson on pourrait donc dire que Grant Morrison : (R)évolutions et la suite logique de ces écrits. 


Avant tout de choses je renvoi le lecteur à l'entretien que tu as accordé à l'excellent site France-Comics qui revient très bien sur la genèse et l'aspect créatif de l'ouvrage.

=> Entretien France-Comics



A la veille de la sortie du livre et après tout ce travail, ma première question va être très bateau. Alors heureux ?

Réponse bateau : oui, bien sûr :)

Grant Morrison a une réputation d'auteur aux œuvres difficiles à lire car très foisonnantes et composées de multiples niveaux de lecture. Réputation infondée ?

Oui et non. Oui, parce qu’il y a effectivement plusieurs niveaux de lecture, qu’il aime brouiller les pistes entre réalité(s) et fiction(s), et qu’il utilise souvent des styles à contre-courant de la production régulière. Néanmoins, je pense qu’une grande partie de cette réputation vient du fait qu’il brise les habitudes de lecture : on est souvent en présence d’œuvres finies, complètes… des cycles. Du coup, c’est souvent au dernier épisode que se révèlent certains aspects importants du récit. Mais de plus en plus de lecteurs « saisissent » la démarche : il n’est qu’à voir tous les blogs qui cataloguent les références cachées ou non dans ses histoires. Donc je dirais qu’il a un aspect ardu mais qui est bien moins présent à la lecture. La réputation est comme d’hab’ un peu exagérée.

Je trouve que l'une des forces de la collection est que les ouvrages qui la compose arrivent à s'adresser autant au néophyte qu'au fan et qu'isl donnent vraiment l'envie de découvrir les oeuvres des auteurs traités. Dans le cas de Grant Morrison tu conseillerais quelle oeuvre pour découvrir le bonhomme ?

C’est toujours une question risquée parce qu’il a évolué dans différents styles et s’est renouvelé au gré des époques. Le Morrison des 80s n’est pas le même que celui des 2000s : c’est pourquoi la 1e partie est divisée suivant ses différents « avatars ». Un peu comme David Bowie qui s’est recréé au fil des époques. 

L’un dans l’autre, je dirais qu’Animal Man a plusieurs aspects pratiques : non seulement, il n’y a que 26 numéros (trois TPB), mais  le dessin est clair et efficace même si peu stylisé et il a le mérite d’expliquer la « méthode Morrison » par le biais du scénariste lui-même qui s’invite dans le titre.

Toi même tu te rappelles la première histoire que tu as lue de lui ?

Arkham Asylum, comme à peu-près tout le monde à la même époque, après la sortie du film de Tim Burton.

Ce fut le coup de foudre immédiat ou le talent du bonhomme s'est imposé à toi peu a peu ?

Oh non, ce qui m’intéressait, à sa sortie, c’était moins l’auteur que de pouvoir enfin « racheter du Batman ». Après la disparition de Sagédition dans les années 80, j’étais en manque :)
 
Et c’est encore aujourd’hui, une de ses réalisations qui me parle le moins (même si j’adore ce que fait McKean). Ca reste néanmoins un bon album de cette période de frénésie autour du « graphic novel », cette recherche de respectabilité : « hey, on parle de nous dans la presse, si on montrait qu’on a lu des livres ? »

J’ai raté la sortie des Invisibles et c’est un article d’Olivier Thierry dans Scarce qui m’a fait découvrir la série. La première série à laquelle j’ai vraiment accroché, c’était JLA. C’était pile dans mes obsessions de l’époque : j’en avais plein le dos de cette période foireuse pseudo-adulte, qui tournait encore plus à vide avec les premières séries Image, et il y avait toute cette atmosphère, particulièrement chez DC Comics, de frénésie créatrice. La baisse des ventes avait été libératrice : les auteurs testaient sans essayer de singer Miller ou Moore, c’était une bouffée d’air frais : Busiek, Waid, Peyer, James Robinson et son excellent Starman… ça n’a pas duré longtemps, bien sûr, ça a été repris par le système, mais c’était vraiment plaisant à lire et à suivre.




J'ai l'impression qu'à part dans le cercle des amateurs de comics, Grant Morrison est moins connu que ne l'est Alan Moore. Le fait que la majorité de sa production actuelle soit consacrée aux super-héros mainstream ne le dessert-il pas ?

Y a deux points dans ta question.

Pour ce qui est d’Alan Moore, je pense que « le problème » de Morrison, c’est qu’il arrivera toujours en second, Moore a le privilège de l’ancienneté. Sans Moore, on n’aurait pas eu Morrison, même s’il bossait déjà sur les mêmes thèmes dans ses premières séries, c’est Moore qui a permis que plusieurs scénaristes se disent «OK, on enlève les gants maintenant ! ». 

Pour ce qui est du « cercle des amateurs de comics », c’est malheureusement un cercle qui se restreint au fil des années pour plein de raisons. Malgré les références aux anciens épisodes, je pense que Morrison sur plusieurs séries, peut arriver à toucher d’autres publics que les lecteurs ayant débuté y a trente ans avec Strange ou Superman poche. Le fait d’avoir des cycles, comme je le disais plus haut, ça permet au lecteur de sentir que l’histoire vaut le coup d’être racontée donc d’être lue. 

Maintenant, oui, l’aspect super-héros qui est très présent (même dans les séries Vertigo) est peut-être un frein : ce qui expliquerait les choix en vf de présenter plutôt Mystery Play ou Kill your boyfriend que Seaguy ou Vimanarama… Je ne sais pas quoi te répondre sur ce point : le concept de super-héros rameute les foules dans les salles mais continue de rebuter dans les librairies, c’est une vraie question et il y a plein de facteurs à prendre en compte…

Grant Morrison et les dessinateurs ça fonctionne comment ? Je crois savoir qu'il fut lui-même dessinateur. Pourquoi ne s'est-il consacré qu'à l'écrit ? 

Pour des raisons de santé au départ : il a expliqué dans une interview qu’il a chopé un glaucome à l’œil au début de sa carrière, quand il réalisait l’intégralité de ses bandes (il réalisait notamment un strip de presse : les délais de productions étaient assez intenses). Il n’a publié que quelques pages depuis, par exemple dans un numéro des Invisibles en 2000. 

Par contre, il continue à dessiner et notamment des essais de couvs, de costumes, de designs pour ses séries (tu peux trouver quelques exemples dans les TPB Final Crisis ou Batman &Robin). Dans le documentaire de Patrick Meaney, Talking with Gods, il explique ainsi qu’il réalise des croquis en amont puis les « traduit » en mots pour ses scripts. L’extrait est passionnant puisqu’il y montre un carnet d’esquisses, remplis d’idées, de notes…

Il n’est pas rare de trouver des scénaristes ayant eu une expérience du dessin : Steve Englehart ou Alan Moore, par exemple… Ca explique également pourquoi leurs réalisations sont si prenantes : ils pensent également en termes d’images. La narration coule plus facilement, le lien entre les dessins et les descriptions ou les bulles visent plus l’efficacité. C’est pour cela que Morrison peut chercher à condenser énormément d’infos dans une case (voire comme dans Final Crisis, des pans entiers de sagas cosmiques). C’est la recherche d’une forme complexe à l’origine de la BD.

Grant Morrison est souvent associé à Frank Quitely et ils font souvent des merveilles à tel point que j'en viens à croire que seul ce dernier arrive à retranscrire les propos de Grant Morrison. Je me trompe ?

En fait, dans l’élaboration du livre, Raphaël Colson a donné une place importante aux illustrations de Quitely et je termine le livre sur une analyse d’All-Star Superman… on peut dire que oui, c’est le dessinateur parfait de Morrison : le talent de Quitely c’est de pouvoir être entre le réalisme (les décors méticuleux, la recherche dans les gestes et les expressions) et la fantaisie (les corps sont déformés, les pouvoirs sont mis en valeur comme « naturels »).  Les allers-retours de Morrison entre les deux styles, souvent au sein de la même BD, sont vraiment matérialisés par le dessin.

L’un de mes regrets au niveau du livre, c’est de ne pas avoir pu décrire plus en avant le dessin de Steve Yeowell, notamment sur la phase III de Zenith, dans laquelle il prend une esthétique de photo de mode des années 80, et donne l’impression que certaines cases sont des pochettes de vinyle. C’est impressionnant.




Morrison préside à la destinée de Batman depuis sept ans il me semble. Actuellement il écrit Batman Incorporated. Tu le vois encore longtemps se consacrer au personnage ? Tu sais s'il a des projets dans ses cartons qui ne demandent qu'à être concrétisés ? J'ai notamment entendu parler d'une suite à All Star Superman ?

Ca fait déjà deux fois qu’il doit quitter Batman et qu’il relance une intrigue, alors pourquoi pas une troisième ? Il a parlé de Multiversity qui explorerait les terres parallèles de DC, et que ses « suites » à All-Star Superman, consacrées aux enfants de Superman et Batman (pas ensemble, hein !), y seraient intégrées, je crois. 
Mais il a surtout dit au cours d’une interview qu’il avait une histoire sous le coude concernant Flash. Et ça, ce serait un vrai bonheur.

Le parcours de Captain America depuis la reprise par Ed Brubaker ressemble beaucoup à celui de Batman. Coïncidence ? 

Oui, je pense ; Brubaker a aussi comme méthode de revenir aux sources et de sortir des personnages ou concepts obscurs du passé des séries qu’il reprend. Et en ce moment, on est dans une période floue pour les auteurs de comics : les personnages sont connus, les BD ne se vendent pas… Il y a une volonté encore plus grande que dans les années 80 de « déconstruire/reconstruire » les héros, voir ce qui fonctionne et ce qui peut-être rénové. Maintenant, je me demande si le voyage dans le temps de Captain America dans « Reborn » était bien celui prévu au départ (y avait des indices sur un pistolet qui fait voyager dans la zone négative mais Civil War a du modifier certains plans). L’important c’est surtout qu’on a droit à deux très bonnes séries sur ces personnages.

Tu es un immense fan de Frank Miller. A ton avis, y a t-il des points sur lesquels ces deux artistes se rejoignent ou ils sont plus opposés qu'autre chose ?

Y a un peu des deux : Morrison a taclé plusieurs fois Miller sur le côté macho-homo refoulé du style Miller, mais plus sur un ton rigolard qu’autre chose (il pastiche très bien ce style). Il l’a aussi allumé sur ses opinions, puisqu’ils sont aux antipodes pour ce qui est de l’échiquier politique. Ils ont un fond de contestation anar’ et ils viennent de milieux modestes, ce qui leur a donné une vraie conscience de la lutte des classes mais, pour caricaturer, on peut dire que Miller chie sur les hippies et Morrison vient de ce milieu baba-cool.

Par contre, on retrouve des motifs similaires (et le livre de Jean-Marc Lainé est à ce titre passionnant dans ce qui est de l’étude de la vision politique de Miller). Par exemple, le thème de l’éducation et de la transmission : il y a cette idée que les actes présents vont avoir des répercussions sur les générations futures, qu’on risque d’aller droit dans le mur (la fixette sur l’Apocalypse), et qu’on s’inquiète de la jeune génération, qui apparait toujours plus violente/bizarre… 

Ensuite, Miller est plus pessimiste que Morrison, je pense : Miller a une vision très noire, jusqu’au-boutiste. Par contre petit à petit, Morrison est devenu plus « optimiste » avec le temps (passée l’ère Thatcher en fait), plus indulgent avec ses personnages… plus détaché aussi : c’est pas le choix binaire « happy end »/ « fin déprimante », on trouve souvent des fins ouvertes. Toute fin est un recommencement. 

Dans l'itw de France-Comics, j'ai beaucoup aimé ta réponse quand on t'a demandé si tu avais tenté de contacter Grant Morrison. Toutefois maintenant que l'ouvrage est sorti et si tu avais l'occasion de le rencontrer tu lui demanderais quoi ?

Je ne sais pas… « Voilà le bouquin, j’espère que j’ai pas dit trop de conneries » ? :)

Et si tu rencontrais Joe Michael Straczynski ?

« Ca dérange si on commence Babylon 5 sans avoir vu les 4 premiers ? », et ensuite je m’enfuirai en courant et en riant à gorge déployée…

Parmi les prochaines sorties des Miroirs quels sont les ouvrages que tu attends le plus ? Pour ma part j'ai hâte de lire celui sur Stan Lee mais quelque chose me dit que celui consacré à Ditko retient plus ton attention.

Oh, tous les ouvrages prévus m’intéressent : Wally Wood, Ditko, Stan Lee, Ellis… C’est juste du bonheur.

En parlant du futur, tu as confirmé que ton prochain ouvrage serait consacré à John Byrne. Une approche différente que celle sur Grant Morrison ?

Oui, complètement : l’avantage de Byrne, c’est qu’il a été énormément traduit en France. Même ses Next Men l’ont été il y a peu dans deux très imposants albums (c’est rudement conseillé d’ailleurs). Et puis Byrne, c’est différent : c’est du pur comics traditionnel dans le sens où pour lui, la ligne d’horizon c’est Lee & Kirby. Avec le livre sur Morrison, l’optique c’était de défricher pour le plus vaste public possible, avec celui sur Byrne, ce sera surement plus intime, plus personnel, plus « ancien lecteur de Strange ».

C’est aussi pour cette raison que j’étais content de débuter par Morrison : c’est de la lecture plus tardive, moins lié à l’enfance. J’y suis moins attaché émotionnellement. Dans le livre de Jean-Marc sur Miller, il y a cet aspect-là que j’ai trouvé vraiment émouvant.




Une ou deux questions d'ordre plus général si tu veux bien. Depuis que tu lis des comics tu as constaté une évolution positive de l'image du comics-books en France ou beaucoup de choses restent à faire ?

Pffffffffff…. C’est compliqué. Il y a un potentiel fort de lecteurs de comics, mais qui sont rebutés par l’aspect « cercle d’initiés/communauté sectaire » qui n’est pas à mon avis présent chez les lecteurs de mangas (je me trompe peut-être, faudra confirmer ou infirmer). Et j’en parle avec d’autant plus d’honnêteté que je fais partie des vieux râleurs.

Ce qu’ils ont réussi à faire, notamment en jouant sur les sorties des films, c’est faire revenir des anciens lecteurs, en leur disant « ce que vous aimez, plus jeune, existe encore et s’est adapté aux changements sociaux et politiques. Et en plus, on vous rééditera ce que vous aimiez à l’époque ». Mais je continue de penser qu’il y a beaucoup à faire pour attirer des publics différents et notamment le public féminin. Et ça passe par des éléments qui nous paraissent anodins, parce qu’on a le nez dedans depuis longtemps : des questions de format, de présentation, d’informations.

Rayon Cinéma. T’as pas l'impression qu'on arrive au bout de l'adaptation des films de super-héros ? 

Je ne sais pas, ça a l’air de cartonner pas mal. Mais c’est vrai que cette année, on est dans la surdose : on en est à quatre, cinq films par an... Mais là, on va en reprendre pour dix ans, avec les nouveaux Superman, Spider-Man, les Vengeurs et je mets ma main au feu que le prochain Batman va atomiser le box-office. Faut pas oublier que nous, on est vieux : que les spectateurs se renouvellent constamment. On n’est pas le premier cœur de cible.

Tu lis quoi en ce moment que tu nous conseillerais ? 

J’aime beaucoup ce que font Rick Remender, Jonathan Hickman et Gail Simone. Je suis un gros fan de Mark Waid depuis longtemps. Mais ces temps-ci j’ai eu moins le temps de lire des nouveautés : j’ai relu des Justice League International, des Legion of Super-Heroes de Giffen et je me suis mis à Coyote d’Englehart. 

Merci beaucoup Yann et à bientôt 

Merci à toi :)


 

Grant Morrison - (R)évolutions de Yann Graf en vente dans toutes les, très, bonnes librairies et sur les sites des Moutons Electriques.

dimanche 1 mai 2011

Je vais aller voir Thor


Je vais aller voir Thor. Ca vous la coupe hein ? Je vais aller voir Thor. Je vais aller voir Thor. Je vais me bouger le cul, aller jusqu'à mon cinéma, sortir un bifton de 10 euros en rajoutant certainement un peu plus pour cette putain de 3D que huit réalisateurs sur dix sont incapables de bien maîtriser et qu’un seul projectionniste sur quarante arrive à bien projeter. Je vais aller voir Thor. Purée j’ai beau me répéter cette phrase je n’arrive pas à m’enthousiasmer à cette idée. N’allez pas vous faire des idées, je ne suis pas un masochiste ou un cinéphile compulsif qui a besoin d’aller voir tout ce qui sort. Thor fait parti des films qui m’intéressent de part son sujet parce que j’aime les super-héros, et de part son réalisateur. Certes j’ai autant de sympathie ou d’antipathie pour Brannagh que j’en aurais pour une moule marinière mais le simple fait d’avoir un metteur en scène catégorisé comme « auteur » et non pas un réalisateur interchangeable dont les compétences sont brimées par la standardisation (voir un nivellement par le bas) de Marvel Production, titille ma curiosité. Après tout on n’est pas à l’abri d’un opus aussi contesté que le Hulk d’Ang Lee. Je ne me fais toutefois pas d’illusion, de l’eau a passé sous les ponts depuis 2003 et dorénavant il semblerait que, d’un commun accord, tous les studios aient décidé de faire des films d’actions sans action et des films de super-héros sans super-héros.

A l’heure actuelle un des films les plus attendus de l’année prochaine est le projet d’adaptation cinématographique des Avengers, un film racontant les aventures d’un groupe de super-héros composé des stars de Marvel à savoir Iron Man, Thor, Captain America, Hulk et quelques autres. Ce film ressemble méchamment aux grosses séries événementielles que Marvel distille régulièrement. Un projet pachydermique qui parasite les œuvres annexes. Pour prendre un exemple, le scénariste Ed Brubaker dut restructurer son récit sur le comics Captain America à cause des événements survenus dans Civil War. De la même manière il apparaît assez clairement que la médiocrité d’Iron Man 2 est due en partie à la volonté de Marvel de présenter des éléments pour le film Avengers transformant ainsi la suite d’une oeuvre éminent sympathique en une indigeste et inutile introduction au futur film de Joss Whedon. Les personnages d’Iron Man, de Captain America et de Thor étant les protagonistes de ce gros événement ciné, il est à craindre que les films qui leur sont consacrés ne soient eux aussi parasité par cet événement. En effet la réunion de personnages (et acteurs) déjà vus dans les précédents succès de la firme (du moins tel que l’espère Marvel) au sein d’un même film est en soi un buzz potentiellement tellement gigantesque de part son caractère inédit qu’il fait reléguer les autres films (Iron Man 2, Captain America et Thor) au rang d’œuvres satellites et promotionnelles pour The Avengers. Le sous-titre du film Captain America : « The First Avengers »  n’est à ce titre pas anodin. 

Que ces films ne soient donc que des relais promotionnels pour les suivants et non pas conçus comme des projets indépendants justifiant ainsi une certaine uniformisation (et par delà une certaine pauvreté) visuelle et narrative, ne m’inspire donc pas confiance quant à la qualité de Thor et ce d’autant plus que ce dernier est un personnage dont l’intérêt et l’impact dépendent fortement de son média. Ceux qui se sont plongés avec délectation dans les aventures du fils d’Odin à travers les récits de Kirby ou de Simonson savent à quel point un personnage qui vole grâce à un marteau magique risque grandement de perdre de sa superbe en passant sur la toile. Pour un peu la manière dont Thor volera dans le film pourrait être un exemple assez parlant pour illustrer la différence fondamentale entre la bande dessinée et le cinéma. Plus que le traitement d’Asgard, plus que la performance de Chris Hemsworth c’est bien ce point qui titille le plus ma curiosité. Donc…..Je vais aller voir Thor.